Nadalet 2023
Noëls des anges
Lorsque le Président de l'association Renouveau Campanaire Provençal m’a proposé de choisir les anges comme thème du Nadalet de cette année, je me suis demandé comment nous n’y avions pas pensé plus tôt !
Certes, nous ne les avons jamais ignorés : difficile de faire autrement pour Noël. Mais même lorsque je citais Luc, le seul évangéliste indiquant que c’est un ange qui a annoncé la nouvelle aux bergers, c’est plutôt à ces derniers que je m’intéressais. Alors que les anges musiciens, entourant la statue de Notre-Dame de Provence, font tellement partie de notre paysage, que nous n’avions encore jamais pensé à les mettre à l’honneur pour l’occasion, pourtant on ne peut plus opportune !
C’est donc sous leurs ailes (même si elles sont parfois un peu abîmées), que nous plaçons ce Nadalet 2023. Vous pourrez ainsi les admirer tous ici, repérer leurs instruments, et lire les couplets désopilants qui leur furent consacrés en 1875, lors de l’inauguration de la chapelle.
Certes, nous ne les avons jamais ignorés : difficile de faire autrement pour Noël. Mais même lorsque je citais Luc, le seul évangéliste indiquant que c’est un ange qui a annoncé la nouvelle aux bergers, c’est plutôt à ces derniers que je m’intéressais. Alors que les anges musiciens, entourant la statue de Notre-Dame de Provence, font tellement partie de notre paysage, que nous n’avions encore jamais pensé à les mettre à l’honneur pour l’occasion, pourtant on ne peut plus opportune !
C’est donc sous leurs ailes (même si elles sont parfois un peu abîmées), que nous plaçons ce Nadalet 2023. Vous pourrez ainsi les admirer tous ici, repérer leurs instruments, et lire les couplets désopilants qui leur furent consacrés en 1875, lors de l’inauguration de la chapelle.
Une ville pleine d'anges ...
J’avais pensé un moment leur associer tous les anges représentés à Forcalquier, que ce soit sous forme de statues, statuettes, peintures ou vitraux, mais il y aurait fallu une véritable encyclopédie. Les compter seulement paraît difficile.
Les anges de la Citadelle
Rien qu’à la Citadelle il y en a actuellement vingt : quand on arrive sur le plateau, le premier oratoire du Rosaire représente une Annonciation. Dans la chapelle, la statue de Notre-Dame de Provence est entourée de deux anges lui présentant des blasons. Auparavant, en rentrant à droite, un angelot porte un bénitier. Sur les vitraux enfin, une nouvelle Annonciation nous montre encore l’archange Gabriel, trois anges de rang ordinaire assistent à la Nativité et quatre autres accompagnent la Vierge dans son Assomption.
L’archange Gabriel de l’Annonciation, en pierre et en verre.
Ces deux anges sont censés présenter à la Vierge les armes de la Provence d’un côté, celles de Forcalquier de l’autre. Mais les deux sont discutables. Les premières, d'azur à la fleur de lys d’or surmontée d’un lambel à trois pendants de gueules sont celles de la maison d’Anjou, qui ont succédé à celles de nos comtes provençaux de la maison de Barcelone, d’or à quatre pals de gueules ; tandis qu’une brisure (de gueules à trois pals d'or) en faisait celles de Forcalquier, à la place de notre blason comtal, de gueules à une croix vidée, cléchée et pommetée d'or, qui subsiste en cimier de nos armoiries actuelles.
L’ancien carillon en montrait six de plus, aujourd’hui conservés dans les réserves du musée. Quatre proviennent de l’édifice de 1925, qui en possédait deux autre agenouillés, se faisant face de part et d’autre d’un blason couronné. Nul ne sait ce que sont devenus ces deux derniers. Est-ce pour en garder le souvenir qu’on a ajouté en 1939 deux petites têtes présumées angéliques ?
Les anges disparus, avant…
… et la Vierge qu’ils entouraient.
Si nul ne sait ce que sont devenus ces deux anges, on en possède une photo (ci-dessus) alors qu’ils n’avaient pas encore pris leur place. Sur ce cliché (qui m’a été offert par Guy Barruol), on voit qu’ils devaient encadrer une statue de N.-D. de Provence : une inscription qu’on entrevoit sur son socle. Une autre monte en biais à ses pieds (j’imagine qu’il s’agit de celle qui l’accompagne ordinairement sur les images pieuses vendues par les missionnaires de Notre-Dame de Provence et sur diverses médailles : Pietadouso e sauvarello (Miséricordieuse et salvatrice), où monte d’un côté un rameau d’olivier.
Ce groupe devait-il surmonter le carillon, mais peut-être n’en conserva-t-on finalement que les deux anges, la Vierge étant remplacée par un blason de la Provence, avec un monogramme NPD, surmonté d’une couronne comtale ? L’olivier symbolise bien sûr la Provence, mais aussi cette paix qu’on espère encore quand on rebâtit le carillon de 1939, et qu’on supprime les deux anges de 1925. Enfin l’on voit que la Vierge d’origine devait tenir un objet dans sa main droite, sans doute métallique, mais on ne saura jamais quoi… Voilà en tout cas une représentation totalement inhabituelle. À moins que le marquis d’Autane n’ai reconverti en Notre-Dame de Provence, par le biais d’une simple inscription, une représentation antérieure dont le sujet nous échappe ? Ce qui pourrait aussi expliquer une certaine disproportion entre elle et les deux anges. Mais à vrai dire, qui connaît la taille d’un ange ?...
L’ensemble s’inspire bien sûr du groupe original qu’on trouve à l’intérieur de la chapelle, mais avec une figuration de la Vierge fort originale, qu’il n’est pas interdit de préférer à celle de 1875.
L’ensemble s’inspire bien sûr du groupe original qu’on trouve à l’intérieur de la chapelle, mais avec une figuration de la Vierge fort originale, qu’il n’est pas interdit de préférer à celle de 1875.
Autres anges envolés
Quant à l’intérieur de la chapelle, je ne m’étais jamais amusé à les compter, mais sur des photos anciennes on en voit quatre de plus qu’aujourd’hui, deux portant des candélabres et deux autres des lumignons.
Quant à l’autel qui a remplacé l’ancien, je ne pense pas que quiconque lui ait jamais trouvé la moindre qualité, esthétique ou autre. Au demeurant, voilà longtemps qu’on ne célèbre ordinairement de sacrement qu’au siège des paroisses, et il semble bien que cette chose-là ne serve strictement à rien.
Restaient les plâtres industriels de l’ancien Rosaire, dont au début des années 1990 il ne restait que des débris, et dont j’ignore le nombre d’anges qu’il pouvait comporter.
Autrement dit, dans ma jeunesse, j’aurais pu compter à la Citadelle, à coup sûr, plus de trente anges…
Si en ville il n’y en a pas trop (l’archange saint Michel trône tout de même sur sa fontaine, au-dessus de deux simples anges porteurs de blasons, et un angelot bien abîmé nous toise depuis une maison de la rue des Cordeliers), la cathédrale doit en comporter une bonne quarantaine, et davantage en cette période calendale.
Quant au cimetière, c’est là qu’ils sont les plus nombreux, à attendre tous ceux qui iront les y rejoindre un jour…
Bref, il valait mieux se limiter à nos instrumentistes de la Citadelle.
Autrement dit, dans ma jeunesse, j’aurais pu compter à la Citadelle, à coup sûr, plus de trente anges…
Si en ville il n’y en a pas trop (l’archange saint Michel trône tout de même sur sa fontaine, au-dessus de deux simples anges porteurs de blasons, et un angelot bien abîmé nous toise depuis une maison de la rue des Cordeliers), la cathédrale doit en comporter une bonne quarantaine, et davantage en cette période calendale.
Quant au cimetière, c’est là qu’ils sont les plus nombreux, à attendre tous ceux qui iront les y rejoindre un jour…
Bref, il valait mieux se limiter à nos instrumentistes de la Citadelle.
Histoires de nos anges musiciens
Aucun document, que je sache, ne permettant de faire véritablement l’histoire de ces statues, voilà que ce j’ai trouvé sur elles lors de leur naissance.
En 1876, Lou libre de N.-D. de Prouvenço ne s’intéresse guère qu’à l’ange tambourinaire, lorsqu’il dit (je traduits un passage dont on pourra lire l’original plus bas, à l’avant-dernière phrase de l’extrait retenu) que « de beaux anges en extase chantent, en s’accompagnant d’instruments de musique, et l’un d’eux joue de la flûte et manie la massette du tambourin. »
En 1876, Lou libre de N.-D. de Prouvenço ne s’intéresse guère qu’à l’ange tambourinaire, lorsqu’il dit (je traduits un passage dont on pourra lire l’original plus bas, à l’avant-dernière phrase de l’extrait retenu) que « de beaux anges en extase chantent, en s’accompagnant d’instruments de musique, et l’un d’eux joue de la flûte et manie la massette du tambourin. »
Mais l’année d’avant, pour l’inauguration de la chapelle, Barthélémy Tome avait aligné les 36 couplets d’une pieuse chanson, qui en dit bien plus sur eux, même s’il en cite les instruments d’une manière qu’on pourra qualifier d’approximative, puisqu’il mentionne un ange jouant de l’accordéon et y intègre sainte Cécile à la troupe… Mais ces vers angéliques sont trop savoureux pour ne pas être cités en entier.
J’ignore qui en avait composé la musique – qui ne nous est pas parvenue – mais ces couplets durent avoir un certain succès, puisqu’en 1888, le même auteur écrivit une chanson pour l’inauguration du pont sur la Durance (« Le pont de La Brillanne, Sur l’air de Notre-Dame de Provence ».
Cette dernière chanson, comme celle de 1875, est en français (ou cherche à l’être, mais on voit bien que cette langue ne devait pas vraiment faire partie de son quotidien, guère plus que de celui de ses contemporains), alors que ses chansons sont habituellement en provençal. Nous avons en effet affaire ici à un Capolier des chivaus-frus. Autrement dit le chef d’une troupe – foncièrement carnavalesque – d’hommes portant des jupes par-dessus leurs pantalons, exécutant pour la Saint-Pancrace une danse processionnaire, comportant des dansaires et des chevaux-jupons. Cette danse existait aussi à Manosque, où les derniers à savoir l’y exécuter sont décédés au début du présent siècle, sans que personne là-bas ne se soucie de la recueillir. (On sait qu’une danse apparentée, avec des costumes très proches, se perpétue à Majorque sous le nom de Ball dels Cossiers. Marcelle Mourgues l’avait remarqué en 1959 dans son étude sur La Saint-Pancrace à Forcalquier). Chaque année donc, pour cette fête, une nouvelle chanson en provençal était composée, sorte de revue de fin d’année, insistant sur les événements les plus importants survenus depuis la dernière Saint-Pancrace. J’ai recueilli les paroles, imprimées, de quatre d’entre elles, toutes de Barthélémy Tome, et on possède de rares photos de cette danse.
Je ne peux m’empêcher, à ce propos, de citer une voisine, Madame Tabot, qui vendit longtemps La Marseillaise dans sa boutique de journaux, alors que son voisin de gauche était à l’enseigne du Provençal (mais lui fournissait en réalité les deux). Elle appartenait sans doute à cette famille, et en tirait un certain orgueil, puisqu’elle répétait souvent : « Moi je suis une Tome, et j’en suis fière ! », ce qui me faisait beaucoup rire…
En 1910, à la suite de leur ouvrage sur les Fêtes en l’honneur de Léon de Berluc-Pérussis, le marquis d’Autane et Cyprien Bernard publiaient une étude sur les rues et monuments de notre ville où, décrivant la chapelle de la Citadelle, ils parlent « des anges qui chantent les louanges de la Vierge en s’accompagnant des instruments jadis usités en Provence. Ces statues sont l’œuvre d’un sculpteur de talent, M. Comte. »
En 1923, Gabriel Blanc, depuis peu l’un des premiers Missionnaires de Notre-Dame de Provence, publiait une brochure intitulée « Forcalquier et ses environs », où il en dira plus sur la question : « Au dehors, des anges jouent des instruments chers aux troubadours : flûte, fifre et tambourin (tutu-panpan), mandore, citole, sacqueboute, hautbois, vièle ou rote à archet, cornemuse. » En regard, six figurent en photo, et à la page précédente une publicité pour le bulletin mensuel de leur œuvre en montrait deux autres en plus grand, le tambourinaire et le joueur de cornemuse, au-dessous d’une Vierge entourée de quatre angelots.
En 1936, l’abbé Corriol publiait (anonymement) un « Forcalquier, ancienne capitale de la Haute-Provence », où il fait un simple copier-coller des mots de 1910. L’ouvrage fut réédité en 1955 avec la couverture de 1923.
Dans mon « Forcalquier » de 1986, j’ai publié intégralement la « Pieuse chanson d’un agriculteur », ainsi qu’un couplet et sa traduction de la Cansoun de Sant-Brancai Dou Capoulié des chivau-frus pour 1882.
J’ignore qui en avait composé la musique – qui ne nous est pas parvenue – mais ces couplets durent avoir un certain succès, puisqu’en 1888, le même auteur écrivit une chanson pour l’inauguration du pont sur la Durance (« Le pont de La Brillanne, Sur l’air de Notre-Dame de Provence ».
Cette dernière chanson, comme celle de 1875, est en français (ou cherche à l’être, mais on voit bien que cette langue ne devait pas vraiment faire partie de son quotidien, guère plus que de celui de ses contemporains), alors que ses chansons sont habituellement en provençal. Nous avons en effet affaire ici à un Capolier des chivaus-frus. Autrement dit le chef d’une troupe – foncièrement carnavalesque – d’hommes portant des jupes par-dessus leurs pantalons, exécutant pour la Saint-Pancrace une danse processionnaire, comportant des dansaires et des chevaux-jupons. Cette danse existait aussi à Manosque, où les derniers à savoir l’y exécuter sont décédés au début du présent siècle, sans que personne là-bas ne se soucie de la recueillir. (On sait qu’une danse apparentée, avec des costumes très proches, se perpétue à Majorque sous le nom de Ball dels Cossiers. Marcelle Mourgues l’avait remarqué en 1959 dans son étude sur La Saint-Pancrace à Forcalquier). Chaque année donc, pour cette fête, une nouvelle chanson en provençal était composée, sorte de revue de fin d’année, insistant sur les événements les plus importants survenus depuis la dernière Saint-Pancrace. J’ai recueilli les paroles, imprimées, de quatre d’entre elles, toutes de Barthélémy Tome, et on possède de rares photos de cette danse.
Je ne peux m’empêcher, à ce propos, de citer une voisine, Madame Tabot, qui vendit longtemps La Marseillaise dans sa boutique de journaux, alors que son voisin de gauche était à l’enseigne du Provençal (mais lui fournissait en réalité les deux). Elle appartenait sans doute à cette famille, et en tirait un certain orgueil, puisqu’elle répétait souvent : « Moi je suis une Tome, et j’en suis fière ! », ce qui me faisait beaucoup rire…
En 1910, à la suite de leur ouvrage sur les Fêtes en l’honneur de Léon de Berluc-Pérussis, le marquis d’Autane et Cyprien Bernard publiaient une étude sur les rues et monuments de notre ville où, décrivant la chapelle de la Citadelle, ils parlent « des anges qui chantent les louanges de la Vierge en s’accompagnant des instruments jadis usités en Provence. Ces statues sont l’œuvre d’un sculpteur de talent, M. Comte. »
En 1923, Gabriel Blanc, depuis peu l’un des premiers Missionnaires de Notre-Dame de Provence, publiait une brochure intitulée « Forcalquier et ses environs », où il en dira plus sur la question : « Au dehors, des anges jouent des instruments chers aux troubadours : flûte, fifre et tambourin (tutu-panpan), mandore, citole, sacqueboute, hautbois, vièle ou rote à archet, cornemuse. » En regard, six figurent en photo, et à la page précédente une publicité pour le bulletin mensuel de leur œuvre en montrait deux autres en plus grand, le tambourinaire et le joueur de cornemuse, au-dessous d’une Vierge entourée de quatre angelots.
En 1936, l’abbé Corriol publiait (anonymement) un « Forcalquier, ancienne capitale de la Haute-Provence », où il fait un simple copier-coller des mots de 1910. L’ouvrage fut réédité en 1955 avec la couverture de 1923.
Dans mon « Forcalquier » de 1986, j’ai publié intégralement la « Pieuse chanson d’un agriculteur », ainsi qu’un couplet et sa traduction de la Cansoun de Sant-Brancai Dou Capoulié des chivau-frus pour 1882.
Voilà donc les couplets de cette chanson concernant nos anges :
Portraits de nos anges musiciens
Passons maintenant en revue nos huit musiciens angéliques. Nous le ferons en commençant par le premier à gauche du portail de la chapelle, et en continuant dans le sens des aiguilles d’une montre.
Les noms donnés ici paraîtront assez arbitraires, certains instruments utilisés s’avérant difficiles à caractériser. Nous les donnons bien sûr en langue d’oc, puisque censés représenter des « anges troubadours », ils ne sauraient en parler une autre…
Les noms donnés ici paraîtront assez arbitraires, certains instruments utilisés s’avérant difficiles à caractériser. Nous les donnons bien sûr en langue d’oc, puisque censés représenter des « anges troubadours », ils ne sauraient en parler une autre…
Leurs instruments
En les énumérant dans le même ordre que leurs exécutants, le premier est une flûte traversière, qu’on appelle aussi en occitan flaüta doça. Attestée au Moyen Âge, on la fabrique alors en bois.
L’ensemble galoubet/tambourin s’emploie au Moyen Âge avec des tambourins plus petits et plus courts que les modèles actuels. Si le mot galobet prévaut aujourd’hui, celui de flaütet était autrefois très courant. Le modèle représenté ici montre un tambourin provençal moderne, aux dimensions réduites pour d’évidentes raisons pratiques. La masseta du tamborin a disparu voilà longtemps, mais le galoubet, métallique comme elle, était encore là il n’y a pas si longtemps, puis il a glissé et fini par tomber. Les refaire tous deux ne poserait pas de problème, mais l’usure des doigts impliquerait sans doute qu’on les colle à la pierre.
Si le luth est bien attesté au Moyen Âge, on connaît la lyre depuis l’Antiquité.
L’instrument suivant pose problème. Selon Jean Bascou, facteur de clavecin à Simiane, et qui fut pendant quelques années l’un de nos carillonneurs :
L’ensemble galoubet/tambourin s’emploie au Moyen Âge avec des tambourins plus petits et plus courts que les modèles actuels. Si le mot galobet prévaut aujourd’hui, celui de flaütet était autrefois très courant. Le modèle représenté ici montre un tambourin provençal moderne, aux dimensions réduites pour d’évidentes raisons pratiques. La masseta du tamborin a disparu voilà longtemps, mais le galoubet, métallique comme elle, était encore là il n’y a pas si longtemps, puis il a glissé et fini par tomber. Les refaire tous deux ne poserait pas de problème, mais l’usure des doigts impliquerait sans doute qu’on les colle à la pierre.
Si le luth est bien attesté au Moyen Âge, on connaît la lyre depuis l’Antiquité.
L’instrument suivant pose problème. Selon Jean Bascou, facteur de clavecin à Simiane, et qui fut pendant quelques années l’un de nos carillonneurs :
« Voilà un instrument bien étrange en effet.
Une chose est sûre est qu'il s'agit d’un instrument destiné à jouer les notes basses d'une partition musicale.
L’embouchure, par sa forme (pour ce qu’on en devine), semble être celle de la famille des cuivres, apparentée probablement à la famille des cornets à bouquins qui, contrairement aux saxophones (famille des bois) ne comportaient en principe pas de clefs, juste des trous qu’on essayait de boucher avec les doigts. Son cousin le plus direct pourrait être le serpent (même s’il n’en a pas la forme), un instrument plutôt renaissance et baroque, mais encore utilisé au XIXe siècle dans la musique populaire.
J’ignore si cet instrument a un jour existé ailleurs que dans l’imagination du sculpteur, car je n’en ai trouvé aucune représentation, mais au XIXe siècle, existait un appétit naturel à inventer des instruments, tous plus insolites et improbables les uns que les autres, spécialement parmi les basses. Le saxophone en fait partie (1840), mais lui a perduré grâce à l’opiniâtreté de son inventeur, et au dépôt du brevet de son invention. »
Une chose est sûre est qu'il s'agit d’un instrument destiné à jouer les notes basses d'une partition musicale.
L’embouchure, par sa forme (pour ce qu’on en devine), semble être celle de la famille des cuivres, apparentée probablement à la famille des cornets à bouquins qui, contrairement aux saxophones (famille des bois) ne comportaient en principe pas de clefs, juste des trous qu’on essayait de boucher avec les doigts. Son cousin le plus direct pourrait être le serpent (même s’il n’en a pas la forme), un instrument plutôt renaissance et baroque, mais encore utilisé au XIXe siècle dans la musique populaire.
J’ignore si cet instrument a un jour existé ailleurs que dans l’imagination du sculpteur, car je n’en ai trouvé aucune représentation, mais au XIXe siècle, existait un appétit naturel à inventer des instruments, tous plus insolites et improbables les uns que les autres, spécialement parmi les basses. Le saxophone en fait partie (1840), mais lui a perduré grâce à l’opiniâtreté de son inventeur, et au dépôt du brevet de son invention. »
En tout cas on ne connaît au Moyen Âge aucun instrument y ressemblant, de près ou de loin.
La chalémie (calamina) est très répandue au Moyen Âge. Le président de l'association Renouveau Campanaire Porvençal m’a fait remarquer que j’avais choisi pour figurer sur la couverture de notre Nadalet le seul ange qui n’avait plus d’ailes… Mais le joueur d’un genre de musette se trouve lui aussi assez diminué de ce côté-là. En réalité, seule sa ressemblance avec un àngel bofarèu (ange souffleur), le plus populaire de nos anges de Noël, a motivé ce choix. C’est lui en effet qui, selon la tradition sinon l’évangile, commence, avec un instrument de ce genre (plus ou moins assimilé à une trompette), à alerter les bergers pour leur annoncer la nouvelle.
Lorsque ma grand-mère parlait de lui, elle complétait toujours ainsi la formule : « L’àngel bofarèu, qu’a ni cambas ni botèus ». Cette absence de jambes et de mollets m’étonnait toujours vu que le nôtre, en cire (ce qui ne lui assura qu’une durée de vie limitée) possédait tout ça… Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé que cette expression (que je n’ai jamais rencontrée ailleurs) désignait en fait les têtes d’anges, surmontant juste une paire d’ailes, qui figurent si souvent dans nos crèches, et plus encore sur une foule de tableaux religieux. Une représentation inventée par la Renaissance italienne, qui les baptisait « putti ».
La vièle à archet. Médiévale elle aussi (en 1168, un sceau de notre comte Bertran II le montre en train d’en jouer), celle-ci a perdu son archet, mais il est impliqué par la position de la main droite. On notera qu’elle semble avoir six cordes, manifestement inspirées par celles des guitares, alors que les vraies n’en avaient que trois ou cinq (comme celle de Bertran II). On peut ajouter qu’on jouait de cette vièle en la tenant le plus souvent appuyée sous le menton, mais pas toujours. Bref, notre Comte sculpteur a plutôt croisé guitare et vièle à archet pour en munir ce musicien-là…
Si le dernier instrument appartient à l’antique famille des cornemuses, il est difficile de le caractériser plus précisément. Son absence d’embout pour le gonfler avec la bouche en fait plutôt une museta à soufflet, connue dès le début du XVIIe siècle, et plus volontiers encore une cabreta ; sauf qu’on ne connaît celle-ci que depuis le milieu du XIXe siècle. Et on ne voit ici aucun soufflet, même si l’on peut toujours l’imaginer caché sous l’épaule… Mais dans tous les cas, les deux larges tuyaux que possède l’instrument – qui plus est de même taille – constituent une aberration. Leur épaisseur se conçoit certes dès lors qu’on les faisait de pierre, néanmoins il semble bien que Monsieur Comte n’ait jamais vu en vrai quelque type de cornemuse que ce soit (dans le Forcalquier du temps, il ne pouvait sans doute guère en avoir l’occasion). Il aura interprété quelque vague reproduction ancienne d’un instrument de cette famille...
Si l’on examine les caractéristiques de l’ensemble de ces instruments, on peut douter qu’un octuor ainsi composé ait un jour existé. Néanmoins, il serait amusant d’essayer de le former ; soit réellement, soit virtuellement avec les moyens dont nous disposons maintenant, pour voir – ou du moins entendre – ce que cela donnerait…
La chalémie (calamina) est très répandue au Moyen Âge. Le président de l'association Renouveau Campanaire Porvençal m’a fait remarquer que j’avais choisi pour figurer sur la couverture de notre Nadalet le seul ange qui n’avait plus d’ailes… Mais le joueur d’un genre de musette se trouve lui aussi assez diminué de ce côté-là. En réalité, seule sa ressemblance avec un àngel bofarèu (ange souffleur), le plus populaire de nos anges de Noël, a motivé ce choix. C’est lui en effet qui, selon la tradition sinon l’évangile, commence, avec un instrument de ce genre (plus ou moins assimilé à une trompette), à alerter les bergers pour leur annoncer la nouvelle.
Lorsque ma grand-mère parlait de lui, elle complétait toujours ainsi la formule : « L’àngel bofarèu, qu’a ni cambas ni botèus ». Cette absence de jambes et de mollets m’étonnait toujours vu que le nôtre, en cire (ce qui ne lui assura qu’une durée de vie limitée) possédait tout ça… Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé que cette expression (que je n’ai jamais rencontrée ailleurs) désignait en fait les têtes d’anges, surmontant juste une paire d’ailes, qui figurent si souvent dans nos crèches, et plus encore sur une foule de tableaux religieux. Une représentation inventée par la Renaissance italienne, qui les baptisait « putti ».
La vièle à archet. Médiévale elle aussi (en 1168, un sceau de notre comte Bertran II le montre en train d’en jouer), celle-ci a perdu son archet, mais il est impliqué par la position de la main droite. On notera qu’elle semble avoir six cordes, manifestement inspirées par celles des guitares, alors que les vraies n’en avaient que trois ou cinq (comme celle de Bertran II). On peut ajouter qu’on jouait de cette vièle en la tenant le plus souvent appuyée sous le menton, mais pas toujours. Bref, notre Comte sculpteur a plutôt croisé guitare et vièle à archet pour en munir ce musicien-là…
Si le dernier instrument appartient à l’antique famille des cornemuses, il est difficile de le caractériser plus précisément. Son absence d’embout pour le gonfler avec la bouche en fait plutôt une museta à soufflet, connue dès le début du XVIIe siècle, et plus volontiers encore une cabreta ; sauf qu’on ne connaît celle-ci que depuis le milieu du XIXe siècle. Et on ne voit ici aucun soufflet, même si l’on peut toujours l’imaginer caché sous l’épaule… Mais dans tous les cas, les deux larges tuyaux que possède l’instrument – qui plus est de même taille – constituent une aberration. Leur épaisseur se conçoit certes dès lors qu’on les faisait de pierre, néanmoins il semble bien que Monsieur Comte n’ait jamais vu en vrai quelque type de cornemuse que ce soit (dans le Forcalquier du temps, il ne pouvait sans doute guère en avoir l’occasion). Il aura interprété quelque vague reproduction ancienne d’un instrument de cette famille...
Si l’on examine les caractéristiques de l’ensemble de ces instruments, on peut douter qu’un octuor ainsi composé ait un jour existé. Néanmoins, il serait amusant d’essayer de le former ; soit réellement, soit virtuellement avec les moyens dont nous disposons maintenant, pour voir – ou du moins entendre – ce que cela donnerait…
Nos noëls de cette année
Bien entendu, vu le thème choisi, tous parlent d’anges. Il peut s’agir de l’ange Gabriel de l’Annonciation ou d’un ange gardien, mais le plus souvent c’est évidemment celui – ou ceux – annonçant aux bergers la naissance de Jésus.
À commencer par notre « comptier », un Nadal tindaire (Noël carillonnant) du pays toulousain, où c’est avec des trompettes dorées que les anges claironnent la nouvelle.
Si toutes les régions des pays d’oc sont représentées, dont la Gascogne (Deisha’m dromir, Laisse-moi dormir), où l’ange se plaint d’un brusque réveil importun ou le Limousin, avec ce N’i a gaire qu’ai auvit (Je viens juste d’entendre) – qui a d’ailleurs pour titre « Nadalet » – la plupart sont provençaux.
Parmi ceux-ci, l’un d’entre eux, l’Anonciacion, publié en 1862 par Damase Arbaud (qui fut maire de Manosque) dans le tome I de ses Chants populaires de la Provence, a pu être recueilli en pays de Forcalquier, comme une bonne partie de ses collectages, ainsi que je l’ai montré en 2004 dans une publication universitaire, aujourd’hui en ligne :
(https://books.openedition.org/pulm/478?lang=fr)
Ici, l’ange Gabriel parle provençal alors que les anges, en pays d’oc, parlent bien souvent français (ce qui apparaît parfois dans le titre du noël, mais pas toujours). Il faut dire que cette langue des Messieurs (les anges sont parfois désignés ainsi), s’avère tellement plus digne de leur statut que ce que parlent les bergers ! Pas forcément un bon calcul du reste, la Sainte Vierge ayant prouvé, de Lourdes à La Salette, qu’elle était parfaitement occitanophone…
À commencer par notre « comptier », un Nadal tindaire (Noël carillonnant) du pays toulousain, où c’est avec des trompettes dorées que les anges claironnent la nouvelle.
Si toutes les régions des pays d’oc sont représentées, dont la Gascogne (Deisha’m dromir, Laisse-moi dormir), où l’ange se plaint d’un brusque réveil importun ou le Limousin, avec ce N’i a gaire qu’ai auvit (Je viens juste d’entendre) – qui a d’ailleurs pour titre « Nadalet » – la plupart sont provençaux.
Parmi ceux-ci, l’un d’entre eux, l’Anonciacion, publié en 1862 par Damase Arbaud (qui fut maire de Manosque) dans le tome I de ses Chants populaires de la Provence, a pu être recueilli en pays de Forcalquier, comme une bonne partie de ses collectages, ainsi que je l’ai montré en 2004 dans une publication universitaire, aujourd’hui en ligne :
(https://books.openedition.org/pulm/478?lang=fr)
Ici, l’ange Gabriel parle provençal alors que les anges, en pays d’oc, parlent bien souvent français (ce qui apparaît parfois dans le titre du noël, mais pas toujours). Il faut dire que cette langue des Messieurs (les anges sont parfois désignés ainsi), s’avère tellement plus digne de leur statut que ce que parlent les bergers ! Pas forcément un bon calcul du reste, la Sainte Vierge ayant prouvé, de Lourdes à La Salette, qu’elle était parfaitement occitanophone…
Les anges et moi
Et puisque Noël est, largement, la fête des enfants, on me permettra de finir sur une note personnelle, rappelant l’enfant que j’étais, et son rapport avec les anges. En effet, quand j’étais gosse, je me suis beaucoup intéressé à eux, comme en témoigne celui-ci-dessus, dessiné le jour de mes cinq ans.
Comme on peut le voir, il est assez effrayant et n’a pas de raison particulière de s’appeler Michel. Normalement, selon la Genèse, ce sont à l'orient du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie. J’avais dû mélanger mes leçons de catéchisme…
L’archange susdit pourrait plutôt être celui que j’ai fait deux mois plus tard, puisque ce dernier terrasse le démon, et n’est à vrai dire guère plus engageant. On notera qu’il n’a pas d’ailes, pas plus que celui qui le surmonte, et qu’ils tiennent donc en l’air par l’opération du Saint-Esprit. Ce même jour j’avais toutefois terminé par une note plus joyeuse, avec un angelot ailé souriant, survolant le paradis terrestre, dont il semblerait que j’aie eu alors une vision assez prosaïque.
Comme on peut le voir, il est assez effrayant et n’a pas de raison particulière de s’appeler Michel. Normalement, selon la Genèse, ce sont à l'orient du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie. J’avais dû mélanger mes leçons de catéchisme…
L’archange susdit pourrait plutôt être celui que j’ai fait deux mois plus tard, puisque ce dernier terrasse le démon, et n’est à vrai dire guère plus engageant. On notera qu’il n’a pas d’ailes, pas plus que celui qui le surmonte, et qu’ils tiennent donc en l’air par l’opération du Saint-Esprit. Ce même jour j’avais toutefois terminé par une note plus joyeuse, avec un angelot ailé souriant, survolant le paradis terrestre, dont il semblerait que j’aie eu alors une vision assez prosaïque.
Par la suite, je n’ai plus dessiné (puis peint aussi) d’anges qu’associés à une crèche, où ils trônaient au-dessus de la Sainte-Famille. Puis je m’en suis désintéressé assez vite, non sans m’être interrogé sur cet ange gardien personnel, dont la présence affirmée me laissait perplexe. Il a donc fallu attendre aujourd’hui pour que je me penche à nouveau sur la question. Merci Sylvain! (président de l'association Renouveau Campanaire Provençal)
Jean-Yves Royer
Programme
Dimanche 17 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (8 fois)
Deishe’m dromir
Lundi 18 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (7 fois)
Entendètz pas los àngels ?
Me siáu plegat
Mardi 19 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (6 fois)
Quand la miejanuech sonava
N’i a gaire qu’ai auvit
Despachem-nos lèu
Mercredi 20 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (5 fois)
L’Angelus
Dialògue d’un àngel e dos demons
Pastres que siatz ai montanhas
Lei dos serafins
Jeudi 21 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (4 fois)
Lei sants àngels
A l’àngel gardian
Bèl àngel Gabriel
Aquel àngel qu’es vengut
L’àngel qu’a portat la novèla
Vendredi 22 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (3 fois)
Un àngel a fach la crida
Un àngel dau cèu es vengut
Un angelon pareis
Anuech un àngel a fach la crida
Anuech la tropa angelica
Le Turc et l’Ange
Samedi 23 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (2 fois)
Tendres bergers / Entendi cridar »
Escotatz los àngels
Ça, levez-vous, charmants pastoureaux
Sai pas se l’ai sonjat
Quand la mièjanuech sonava
Lo meste deus anjos
Revelha-te Matieu
Dimanche 24 décembre à 12 heures
Nadal tindaire (1 fois)
Rejoïssètz-vos, uroses pastors
Cantem coma cal
Paure pastor
Pastor, quna paressa
Pastorelet, sortís de ta cabana
Lèva-te viste Pieron
Cantem Nadal
L’Anonciada
Dimanche 24 décembre à 16 heures
Les mêmes, dans l’autre sens
Nadal tindaire (8 fois)
Deishe’m dromir
Lundi 18 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (7 fois)
Entendètz pas los àngels ?
Me siáu plegat
Mardi 19 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (6 fois)
Quand la miejanuech sonava
N’i a gaire qu’ai auvit
Despachem-nos lèu
Mercredi 20 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (5 fois)
L’Angelus
Dialògue d’un àngel e dos demons
Pastres que siatz ai montanhas
Lei dos serafins
Jeudi 21 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (4 fois)
Lei sants àngels
A l’àngel gardian
Bèl àngel Gabriel
Aquel àngel qu’es vengut
L’àngel qu’a portat la novèla
Vendredi 22 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (3 fois)
Un àngel a fach la crida
Un àngel dau cèu es vengut
Un angelon pareis
Anuech un àngel a fach la crida
Anuech la tropa angelica
Le Turc et l’Ange
Samedi 23 décembre à 16 heures
Nadal tindaire (2 fois)
Tendres bergers / Entendi cridar »
Escotatz los àngels
Ça, levez-vous, charmants pastoureaux
Sai pas se l’ai sonjat
Quand la mièjanuech sonava
Lo meste deus anjos
Revelha-te Matieu
Dimanche 24 décembre à 12 heures
Nadal tindaire (1 fois)
Rejoïssètz-vos, uroses pastors
Cantem coma cal
Paure pastor
Pastor, quna paressa
Pastorelet, sortís de ta cabana
Lèva-te viste Pieron
Cantem Nadal
L’Anonciada
Dimanche 24 décembre à 16 heures
Les mêmes, dans l’autre sens