Le miracle des cloches
Le carillon de Forcalquier, seul carillon exclusivement manuel de toute la Provence, est absolument unique en son genre, tant par sa genèse que de par sa situation. C'est cette fabuleuse histoire, dont les racines remontent à plus d'un millénaire, que est retracée ici.
La plus ancienne mention du Miracle des Cloches dont nous allons voir qu'elle est à l'origine de l'existence de notre carillon, date de 1665, et nous est rapportée de façon succinte dans La vie de saint Mary de l'abbé de Piolle.
« Le corps du saint feut transporté par Arnoux Evesque à la ville de Forcalquier, afin que ce sacré depost feust inconnu aux barbares. » Il écrit plus loin, à propos des eaux miraculeuses de la fontaine de saint Mari, « qui sont souveraines pour la guerison des fiebvres » : « on dit par tradition que cette fontaine sortit miraculeusement pour desalterer celuy qui portoit les sacrées reliques de nostre saint. pour preuve de cette verité on à dressé l'oratoire de saint Mary, qui se void encore pres de cette fontaine (NDE : les deux s'y voient toujours) ; & on ajoute que pendant que le depositaire de ce precieux despost se delassoit, les cloches donnerent d'elles mesmes advis au peuple de son arrivée,afin qu'il allast recevoir avec toute la veneration possible, celuy qui devoit estre son protecteur, & son ange tutelaire. »
En 1736, dans son Histoire de saint Mary (manuscrit inédit de la bibliothèque Méjanes) Jean Germain, un prêtre forcalquiéren, sera plus prolixe – bien que sceptique – à propos de cette légende (on ne citera ici qu'un bref extrait de sa relation) : « La tradition de Messieurs de Forcalquier (NDE : les chanoines de Saint-Mari), touchant cette translation me paroit suspecte ; car elle assure quà l'approche de ce precieux depot en cette ville, les cloches sonnèrent d'elles-mêmes, que les enfans tressaillissants de joye sur les rues, et sur les places publiques, faisoient retentir l'air en disant, en provençal et avec allegresse, mary ven, mary ven, mary ven ; » Personne n'était courant de l'arrivée de ces reliques à Forcalquier, mais les cloches et les enfants en avaient ressenti l'approche…
Cette tradition a dans tous les cas une base historique certaine : la translation des reliques de saint Mari par l'évêque de Sisteron Arnoux, depuis le Val Bodon (aujourd'hui Saint-May, dans la Drôme) au château de Forcalquier, un des rares existant alors en Provence, pour les protéger d'invasions, sans doute hongroises. Si les historiens actuels situent ces faits dans les années 944-959 (dates de l'épiscopat d'Arnoux), l'historiographie locale les voyait un peu plus anciens, et les datait des environs de 925. Et puis, à force, elle finit par simplifier en disant que l'évènement avait eu lieu en 925.